IDENTIFICATION ET PROTECTION DU PATRIMOINE BATI VERNACULAIRE
ET DES MAISONS « BOURGEOISES » des XVIIIème et XIXème siècles
Le patrimoine bâti vernaculaire est important car il est l’expression fondamentale de la culture d’une collectivité, de ses relations avec son territoire. Il ne s’agit pas seulement des calvaires isolés.
La construction vernaculaire est le moyen traditionnel et naturel par lequel les communautés créent leur habitat en réponse aux contraintes sociales et environnementales.
Partout dans le monde, l’uniformisation économique, culturelle et architecturale, et la densification brutale de l’habitat menacent la survie de cette tradition.
Les bâtiments vernaculaires présentent les caractéristiques suivantes :
- Un mode de construction partagé par la communauté ;
- Un caractère local en réponse à son environnement ;
- Une cohérence de style, de forme et d’aspect ;
- Une expertise traditionnelle en composition et en construction transmise de façon informelle ;
- Une réponse efficace aux contraintes fonctionnelles, sociales et environnementales.
La maison de « bourgeois » s’approprie le style local utilisant les mêmes matériaux et les mêmes méthodes de construction et en le réinterprétant dans une conception plus ostentatoire et cela dès le XVIIIème siècle.
L’efficacité de la protection du patrimoine vernaculaire dépend de l’engagement et du soutien de la collectivité avec une vision globale de l’environnement urbain. L’architecture patrimoniale, vernaculaire, contemporaine, constitue notre environnement quotidien.
Le patrimoine vernaculaire s’exprime rarement par des constructions isolées et il est mieux conservé par le maintien et la préservation d’ensemble (ex : Place de l’Eglise, Avenue de Toulouse zone Grand Barry).
Il fait partie intégrante du paysage culturel. Cette culture n’est pas seulement une culture de la forme, c’est également une culture de la fonction, des moyens. L’architecture vernaculaire est donc « une science du concret » (Levi Strauss).
Par définition, presque, le bâti vernaculaire est durable … sinon, il ne nous serait pas parvenu.
Mais s’il est durable au sens de la longévité, il l’est également au sens de la « soutenabilité » car il est fondé sur une économie de moyens compatibles avec un développement local (circuit court, briques de Villeneuve). Le climat et les ressources locales dictent les formes, les techniques et les matériaux.
Car ce patrimoine est lié à une architecture traditionnelle, rurale, édifiée avec des matériaux locaux.
A Cugnaux, ils provenaient des « Tuileries » de « Villeneuve-les-Cugneaux ».
Ce patrimoine est une composante de la mémoire et de l’identité du lieu sur lequel il est implanté.
La préservation du patrimoine vernaculaire prend également tout son sens dans un contexte de ville durable.
Pour Cugnaux deux éléments fondamentaux sont à prendre en compte :
- Cugnaux n’était que vignoble comme en attestent l’Atlas parcellaire de l’an IX/X (1800-1801), le cadastre « Napoléon » de 1808/9 et le mémoire de l’instituteur Théodore Proudhom en 1885.
- Avec la vigne toute une économie s’était développée tonneliers, charrons, forgerons, bourreliers, charretiers … avec en complément une agriculture d’autosuffisance, notamment autour des grands domaines équipés de norias.
Aujourd’hui si l’on regarde en marchant dans l’avenue de Toulouse, la rue de la Vieille Eglise, la rue du Pré Vicinal, la rue du Petit-Barry, la rue du Vivier on retrouve dans l’architecture des traces bien conservées qu’il s’agit de sauvegarder.
L’Atlas parcellaire et le cadastre « Napoléon » permettent également d’identifier les bâtisses existantes au tout début du dix-neuvième siècle, la plupart datant de la fin du dix-huitième.
Le matériau de construction ne venait pas de loin. Il venait de Villeneuve les Cugneaux (aujourd’hui Villeneuve-Tolosane) qui depuis plusieurs siècles avait des briqueteries sur son territoire.
« Cette industrie locale parait remonter très haut si l’on en juge par le nombre d’hectares de terrain défoncé à cet effet à trois reprises différentes, ou pour mieux dire, dans trois endroits divers de la localité… Il est permis de fixer l’époque de l’exploitation de la première briqueterie au Vème ou VIème siècle ; celle de la seconde du XIe au XVIe siècle… Les terrains défoncés aux trois diverses époques, mesurent une surface totale de 23 ha pour la plus ancienne, 7 ha pour la seconde et 6 à 7 pour celle en activité. Les communes de Seysses, Frouzins, Villeneuve et Cugnaux y ont toutes eu recours pour leur construction. » (Monographie communale de Villeneuve par l’instituteur Carrère 1885).
Au recensement de 1896, on comptait encore à Villeneuve une famille de briquetiers avec 4 hommes adultes.
« Le mot « brique » n’est arrivé que tardivement à Toulouse, on utilisait le terme « tuile » (teula en occitan) pour désigner à la fois les briques, appelées « tuiles foranes », et les tuiles pour le toit appelées « tuiles canal ». (Toulouse-brique.com)
Les briqueteries étaient désignées du nom de « tuileries ». C’est ce que l’on constate sur la Carte Cassini de la région (levée 1769/1771 et publication 1776) qui recense trois tuileries qui sont contemporaines des nombreux bâtiments cugnalais figurant sur le cadastre Napoléon.
« Toulousaines » : les toulousaines sont des maisons suburbaines d’origine rurale. En ville, les premières sont datées de la deuxième moitié du 18ème siècle. La toulousaine constituait historiquement l’habitation des maraîchers de Toulouse. C’est pourquoi le terme de maraîchère est également parfois employé pour désigner ce type de maison (maisons basses, en matériaux locaux, brique ou terre crue). Les toulousaines étaient majoritairement mitoyennes avec un très long jardin à l’arrière. La toulousaine n’avait pas d’étage avec un grenier aéré et éclairé par de petites ouvertures (oculi) rondes, carrées ou en losange.
A Cugnaux on retrouve ce type de construction en divers endroits, mais la culture dominante était la vigne et non le maraichage. La toulousaine « cugnalaise » est souvent associée à une annexe avec un portail avec linteau en arc surbaissé ouvrant sur le chai ou l’atelier du tonnelier, maréchal ferrant, charron, bourrelier, menuisier ….
Par ailleurs de nombreuses constructions plus importantes avec étage correspondent à des « maisons de propriétaires » ou des « campagnes » de bourgeois toulousains propriétaires terriens à Cugnaux, identifiés sur l’Atlas parcellaire. Ces maisons de campagne appartenant à des citadins incarnent une forme d’occupation ancestrale de l’espace rural par des populations bourgeoises et citadines.
Elles peuvent avoir été modifiées au 19ème siècle pour améliorer le confort, aménager des parcs, ajouter des bâtiments annexes (orangerie, chai…).
Au XIXème siècle on vit apparaitre également des « castels » bourgeois au sein des campagnes périurbaines. Un exemple remarquable se situe avenue de Toulouse au n°62.
Façades – Murs
De nombreuses façades sont enduites car souvent seules les briques les plus régulières étaient utilisées pour les encadrements et corniches. Pour le remplissage des murs on utilisait les briques cassées et autres chutes en alternance avec des galets avec souvent un liant à base d’argile.
On utilisait également des briques de terre crue séchée (appelées adobe).
Les murs étaient donc de construction assez hétérogène comme le montrent les photos prises dans une maison cugnalaise du XVIIIème siècle en cours de rénovation en 2017.
Malheureusement souvent les crépis « modernes » à base de ciment ne laissent pas respirer la brique. La rénovation avec des enduits et badigeons à la chaux doit faire partie des opérations de réhabilitation à soutenir.
L’identification permettra de dégager des périmètres de protection pour éviter la destruction du paysage culturel.
A ce jour la plupart de ce patrimoine n’est pas protégé au titre des Eléments Bâtis Protégés (EBP – article L151-19 du code de l’urbanisme) dans le PLUIH 2019.
La liste retenue dans le PLU de 2011 et quasiment inchangée en 2019 mérite d’être complétée sur la base d’une approche plus rigoureuse pour la protection du patrimoine vernaculaire et des paysages urbains.
Autres éléments du patrimoine vernaculaire
D’autres éléments du patrimoine comme les norias ne sont pas protégés alors que le PLUiH recommande de les protéger.
Il en va de même pour les arbres remarquables sur le territoire. Il y en a de nombreux (cèdres, magnolias, chênes, chênes verts ….).
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Ref : Charte du patrimoine bâti vernaculaire (Conseil International des Monuments et des Sites)
lechad.fr (février 2021)