CONSCRITS CUGNALAIS DE LA CLASSE 1917 AU DERNIER CONSEIL DE RÉVISION 1967

UN PEU D’HISTOIRE
Les conscrits sont des jeunes hommes d’une même tranche d’âge (la classe) appelés sous les drapeaux pour effectuer leur service militaire national.
Le conseil, chargé de juger les aptitudes des jeunes gens au service militaire, se déroulait au chef lieu de canton.
« Il y avait là, le médecin major, le conseiller général et les maires du canton, ainsi que des gendarmes qui attendaient le défilé de jeunots pas fiers du tout. Et débute le parcours du combattant, la toise, et il paraît que les très petits sont réformés, ensuite le poids, suivi de l’acuité visuelle.
Puis le test auditif, la longueur des jambes, des bras, les pieds, l’entrejambe. On continue avec la capacité pulmonaire, on tousse un bon coup tout en se faisant tripoter les bijoux de famille. »
Pour les cugnalais cela se passait à la mairie de Toulouse (salle des Illustres).
Les maires étaient présents pour accompagner leurs jeunes concitoyens (qui jusqu’en 1974 étaient encore mineurs )

Le conseil de révision était de fait une fête de la jeunesse masculine. Les retrouvailles entre copains de « la classe » sont toujours joyeuses…. Sauf en temps de guerre.

Les conscrits revenaient avec cocarde et prêt à assurer l’animation nocturne dans les rues du village en période normale. En 1965 (loi Messmer) les conseils de révision sont remplacés par les centres de sélection et les « trois jours » (Auch pour les cugnalais).

(Voir historique de la conscription en fin d’article)

Photo des conscrits cugnalais de la classe 1917 (20 ans en 1917).

Le conseil de révision a été passé début 1915
On constate qu’il n’y a aucun sourire…la guerre dure déjà depuis près d’un an, et les conscrits savent parfaitement ce qui les attend et que leur classe sera appelée à 18.ans.

Celui qui tient la pancarte, Joseph FAURE s’engagera dès le 13 juillet 1915 à moins de 18 ans …. « pour la durée de la guerre ».

Démobilisé 1/10/1919

On le retrouve au sommet de la photo ci-dessous de son peloton du 9ème Chasseur en formation en 1915.

CONSCRITS 1967 (nés en 1947)
(témoignage d’un participant)

« Même si au niveau festif les cugnalais étaient bien inférieurs à certaines autres communes, la passivité n’était pas notre devise et l’on entendait perpétuer les traditions.

Pour créer la surprise, nous étions très discrets, presque sournois !!

Après avoir passé notre visite médicale (en fait un contrôle technique général), appelé Conseil de Révision, nous devenions conscrits en attente de la date de notre départ et de la réception de la lettre recommandée du Ministère des Armées dans les trois mois suivants nous annonçant notre affectation.

La « cérémonie » se déroula au Capitole de Toulouse, en présence des autorités et notamment de notre maire Jean Dardé, qui se faisait un plaisir d’accompagner tous les ans les jeunes conscrits cugnalais. En sortant il nous amena boire un coup au Bibent sur la place du Capitole pour fêter ce passage dans l’âge adulte….même si nous étions encore mineurs.

Donc avant le départ annoncé, il était justifié de faire un peu la fête et d’animer le village.

Entre conscrits on organisait un bon repas, un peu arrosé mais pas trop car il fallait garder sa lucidité, des forces et de l’imagination pour la suite. La fin de l’épisode était programmée au lever du jour. Durant la nuit, nous devenions très silencieux, il ne fallait surtout pas se faire remarquer.

Le lendemain, tous les Cugnalais étaient surpris médusés ou agacés, furieux ou menaçants. Bref, tous les genres étaient représentés.

A cette époque, Cugnaux comptait à peu près 3 000 habitants, tout le monde se connaissait et en général convivialité et bonne humeur faisaient bon ménage.

Epicerie, boulangerie, boucherie, cafés et autres commerces se situaient autour de la place de l’Eglise. Donc le matin, de bonne heure, la place de l’Eglise bruissait de commentaires autour d’innombrables charrettes, brouettes, herses, tracteurs, bidons de lait, pots de fleurs etc….
Tout ce qui pouvait traîner dans le village, chacun pouvait le retrouver sur la place de l’église et venir le rechercher pour le ranger à nouveau….jusqu’à l’année pro-chaine ? Non malheureusement c’était la dernière année.

Ce n’était pas forccément du goût de tous, mais tous y avaient droit.

Même les statues devant l’Eglise avaient évolué : Jésus avait un pull et Marie de la lingerie féminine.

Quand à nous discrets nous observions les réactions.

Quelquefois, sans que cela soit volontaire, il pouvait y avoir un peu de casse …. Et le maire Jean Dardé (maire de 1944 à 1977),en parfaite connaissance de la situation ayant assisté au conseil de révision, jouait les pacificateurs en protégeant les jeunes conscrits. Il connaissait les traditions et tout le monde souhaitait les sauvegarder. On mesure aujourd’hui notre chance.

Dans le courant de la semaine, la place se vidait peu à peu, les boulistes pouvaient reprendre leurs parties …et le café Artigue retrouvait sa routine.

Les conscrits cugnalais avaient fait parler d’eux, bien rigoler certains et c’était bien le but.

Il pouvait maintenant partir servir la Nation et commencer une nouvelle vie … en gardant de bons souvenirs. »

LE PISTON

L’affectation était très attendue car de nombreuses affectations se regroupaient dans l’Est de la France et en Allemagne.
L’idéal était la base de Francazal…mais là il fallait un bon piston.
La meilleure filière était le football avec la JSC. Mais il pouvait y avoir des ratés retentissants.

Pour le défenseur central (JPN dit Carlos) de l’équipe 1 de la JSC, cugnalais pur sang, qui devait bénéficier de la filière (G. Lafont président de la JSC et adjoint au maire et in fine le député maire Jean Dardé.), le piston était grippé !!!
Affectation à Offenbourg en Allemagne (Bade-Wurtemberg) !!! Ce régiment avait connu une autre vedette 2 ou 3 ans avant : Johnny Hallyday.

Pour l’avant centre (FM) de la même classe, le piston était parfaitement huilé. Celui-ci se retrouva barman au mess des officiers à Francazal. Une bonne affaire commerciale !!!

Episode de la ferme
Après avoir vaillamment rempli la place de l’église de tout ce qu’on avait pu récupérer dans le village, la fatigue se faisait sentir. Tirer de grosses charrettes ou un vieux tracteur pendant près d’un km et en silence ne se fait pas sans énergie. Nous commencions à en manquer et pour dormir un peu nous décidons d’aller jusqu’à la ferme la plus proche (ferme Birello) située à peu près au début de l’Agora.

Une ferme moderne avec un élevage de vaches laitières ( de race française frisonne pie noire) en stabulation libre. Nous nous installons dans le hangar voisin, dédié au stockage de la paille. Serrés les uns contre les autres pour se réchauffer, on ne tarde pas à s’endormir avant d’être rapidement réveillé par des cris d’affolement : « Patron, Patron, il y a des mecs morts dans le pailler. » Pendant que l’on se réveille et que l’on commence à se lever, le patron est déjà là. Il découvre des ressuscités, les yeux gonflés, ahuris, de la paille dans les cheveux. Il reconnait rapidement quelques uns d’entre nous. Sans tout dévoiler on échange rapidement, on raconte quelques blagues, on rit beaucoup et cela se termine devant un bol de café et un morceau de pain. Mais le petit-déjeuner ne va pas durer longtemps. A nouveau des cris se font entendre. « Patron…le vieux tracteur, la remorque et les bidons de lait n’y sont plus. On les a volés. » Les choses se gâtent, on doit s’expliquer et avouer nos forfaits. Le visage du patron devient plus grave… il comprend que l’on a essayé de le prendre pour ce qu’il n’est pas. Les bidons de lait lui sont indispensables pour la traite du matin et la collecte par le camion de ramassage pour livraison à l’Union Laitière Coopérative à Toulouse. Pendant qu’il va les récupérer seul et plutôt en colère, on se retrousse les manches et avec l’ouvrier agricole, celui qui nous avait cru morts, on se répartit les tâches, on s’active et on fait l’apprentissage du dur travail à la ferme. Quand le patron est de retour, il ne reste plus qu’à remplir les bidons de lait, chose à laquelle nous nous employons avec énergie et maladresse. Du lait, les bidons en sont maintenant pleins, mais il y en a aussi par terre pour les chats qui n’en demandaient pas temps. On les caresse, la bonne humeur est de retour. Notre collègue « la fiole », celui qui avait le plus de paille dans les cheveux, en avait mis aussi une dans sa bouche….qui lui servait de pipette pour prélever du lait dans un bidon et agrémenter son café !!! Aussi drôle que vrai.

Le jour n’allait pas tarder à se lever, la distribution du lait pouvait commencer. Pour nous la nuit avait été blanche, mais pleine de rebondissements. IL restait maintenant, discrètement à surveiller les réactions des habitants autour de la place de l’église…..

HISTORIQUE DE LA CONSCRIPTION 1798 à 1997
1789-1815 : avènement du citoyen soldat
En date du 19 fructidor an VI (5 septembre 1798) la loi JOURDAN instaure la conscription et institue un service militaire obligatoire.

1804 : un décret impérial crée le conseil de révision et le tirage au sort

1818-1905 : vers le service pour tous
1818 : La loi Gouvion-Saint-Cyr autorise les remplacements

1872 : La loi Cissey supprime défi-nitivement le remplacement, crée un service militaire universel dont la durée est fixée par tirage au sort (5 ans pour les mauvais numéros, 6 mois à 1 an pour les bons numéros) et constitue des réserves. Cette loi faisait suite à la débacle de 1870.

1905 : Avec la loi André, le service militaire devient national, personnel (nul ne peut se faire remplacer) obligatoire et d’une durée égale pour tous (2 ans).

1905-1997 : le service obligatoire
1913 : la loi Barthou allonge le service militaire à 3 ans.

1950 : la loi fixe la durée du service militaire à 18 mois. Entre 1954 et 1962 1,5 millions d’appelés nés entre 1935 et 1942 seront mobilisés en Algérie.

1963 : la durée du service militaire est ramenée à 18 mois puis 12 mois en 1970.

La loi du 9 juillet 1965 (loi Messmer) indique que le service n’est plus seulement « militaire » mais « national ». La loi prévoit quatre formes de service national : un service militaire, un service de défense, la coopération dans un pays étranger et l’aide technique dans les départements et territoires d’outre-mer. Le statut d’objecteur de conscience est défini comme une variante clairement codifiée du service national.

Les conseils de révision sont remplacés par les centres de sélection et les « trois jours » (Auch pour les cugnalais à partir de 1968.)

1997, Jacques Chirac décide la suspension du service militaire obligatoire. En 2001, le service militaire tel que l’ont connu des décennies de jeunes gens s’achève. Les derniers appelés seront démobilisés en novembre.

2010 : création Service Civique sur la base du volontariat au service de l’intérêt général.

Restons en contact

Vous pouvez nous écrire et nous laisser vos commentaires grâce au formulaire de contact.

NOUS ÉCRIRE