La Famille DELHOM …

une lignée de charrons sur deux siècles 

Cugnaux depuis au moins le XVIIIème siècle, probablement depuis bien plus longtemps mais nous ne disposons pas des documents, fut une commune viticole comme en témoignent l’Atlas parcellaire de l’An IX et le « cadastre Napoléon » de 1808.

En effet les cultures sont indiquées sur les différentes parcelles et le V de vigne domine largement.

En 1885, la monographie communale de l’instituteur Proudhom le confirme : « La vigne est la principale culture du pays ; sur 1300 hectares de terre, 1000 sont affectés à cette culture… », soit plus de 75% de la surface de la commune.

Dans les communes voisines, la vigne est également la première culture mais avec en proportion une surface moindre :

  • Tournefeuille 66% du territoire,
  • Villeneuve  « les Cugneaux » 46% du territoire,
  • Plaisance 45% du territoire.

Cette quasi monoculture s’accompagne des métiers artisanaux nécessaires soit principalement :

  • Tonnelier,
  • Charron,
  • Forgeron / maréchal-ferrant,
  • Bourrelier.

Ainsi en 1896, il y avait à Cugnaux cinq tonneliers, quatre forgerons et deux charrons.

Le charron était indispensable aux agriculteurs/viticulteurs puisque c’était lui qui fabriquait le matériel nécessaire au transport depuis la brouette jusqu’à la charrette à deux ou quatre roues en passant par le tombereau. Avec un timon dans l’axe la charrette était adaptée à un attelage de deux bœufs avec joug ou deux chevaux, avec deux timons c’était pour un cheval.

En 1866, un recensement complet des animaux fut réalisé à Cugnaux.

Espèces Nombres
Chevaline
Mulassière
Asine
Bovine
Ovine
53
15
9
33
480

Pour Villeneuve en 1885, il existe un décompte précis des « animaux – troupeaux divers » :

Espèces Nombres
Chevaux et juments
Mules et Mulets
Espèce asine
Espèce bovine
Espèce ovine
Espèce porcine
46
31
6
8
247
58

Vu les surfaces plus importantes de Cugnaux, le nombre d’animaux y était supérieur.

UNE LIGNEE DE CHARRONS SUR DEUX SIECLES : la famille DELHOM

Un nom dont l’orthographe se modifia avec le temps : de DELON on passa à DELOM (état civil début 1800), puis DELHOM (état civil 1821) au recensement de 1836 (déjà à état civil en 1820 pour la naissance de Raymond).

Dans l’inventaire des « CITOYENS ACTIFS de CUGNAUX EN 1790 » (ref : CUGNAUX LES VILLENEUVE – La vie quotidienne pendant la période révolutionnaire), on trouve déjà DELON Etienne charron.

Également au recensement de 1805 (An XIV), on retrouve Etienne DELON (43 ans-né en 1762) avec son fils Antoine de 22 ans également charron.

Pendant près de deux siècles les DELON/DELHOM vont se succéder comme charrons au centre du village.

En 1836, Antoine DELON est recensé Antoine DELHOM, âgé de 52 ans, avec son fils Raymond.

Nous avons reconstitué la « dynastie DELHOM », tous charrons de père en fils.

Membre de la Famille Période
DELHOM Etienne
DELHOM Antoine
DELHOM Raymond
DELHOM Antoine
DELHOM Jean
1762 – 1811
1/02/1784 – 28/05/1872
16/11/1820 – 23/01/1897 
5/08/1845 – 16/12/1919
Né le 15/07/1891, décédé en 1978

La descendance par les garçons s’est arrêtée avec Jean Delhom. Sa fille Josette (1920/2015), épouse BARBIER, a été bien connue des cugnalais car secrétaire à la mairie jusqu’en 1982. Il reste à Cugnaux des descendant(e)s .

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Jean Delhom fut donc le dernier charron de Cugnaux. Il habitait au 4 place de l’Eglise (à côté de la BNP actuelle) et son atelier était en face là où se trouve aujourd’hui l’extension sur pilotis de la mairie.

Le métier de charron nécessitait une formation technique très sérieuse. Jean Delhom obtint un 1er prix de dessin lors de sa formation. On dirait aujourd’hui qu’il aimait la technologie.

On le voit sur cette photo, adolescent avec un magnifique vélo identique à celui des vainqueurs des premiers tour de France.
(1er tour en 1903 gagné par Maurice Garin).

Le vélo pèse 20 kg, un pédalier de 56 dents, pignon fixe, pas de freins, et des poignées bois.

Jean partit soldat le 1er octobre 1912 … et ne revint que le 18 août 1919.

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Philippe THYS  (Tour de France 1913)

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L’atelier Delhom était implanté au centre du village sur le bord de l’ancienne place de l’Obit, devenue place de la Mairie après le transfert de la mairie au début du vingtième siècle.

L’atelier était juste en face du domicile, et de l’autre côté de la place se trouvait le chai des Delhom, car tout le monde ou presque avait de la vigne à Cugnaux.

Seuls les platanes ont résisté à la recomposition de la place avec la nouvelle mairie, et encadrent le parking actuel de la place de la Mairie.

Le jeudi matin, en allant au catéchisme pour 10h, les jeunes cugnalais des années 1950/1960 avaient plus de temps pour s’arrêter devant le portail grand ouvert de l’atelier et admirer la dextérité du charron. Le cerclage d’une roue était un spectacle impressionnant. Le spectacle de la forge un peu plus loin était aussi un lieu d’attraction.

Tributaire du monde paysan, le charron en subit l’évolution… et disparait.

Les remorques métalliques après la deuxième guerre mondiale succèderont rapidement aux charrettes, et les chevaux et bœufs seront remplacés par les tracteurs, notamment avec la diffusion massive du « petit-gris » Massey Ferguson, dans le cadre du plan Marshall (Nous y reviendrons) après la deuxième guerre mondiale.

Sur la photo, charrette fabriquée par Jean Delhom en cours d’usage dans la ferme de Joseph Faure (années 1940).

A Cugnaux, les dernières productions de Jean Delhom furent des brouettes en bois et des niches avant sa retraite complète en 1975.

La dernière brouette fabriquée fut achetée par Roger Naudin.

On la voit à gauche en 1976, avec un jeune jardinier. (Christophe Cochet).

Elle est restée opérationnelle jusqu’à la fin des années 90.

Celle-ci est toujours en activité en 2020. Elle était la propriété de Marceau Naudin, et son petit-fils Jean-Marc l’a récupérée pour son jardin en Gironde.

Du vrai développement très, très durable.